Il est bien connu que l’autonomie n’était pas le point fort des chasseurs monomoteurs britanniques durant la seconde guerre mondiale.
Vers la fin de 1943, la Flight Refuelling Ltd (*) testa un système de remorquage en vol d'un Spitfire IX pour étendre son rayon d'action comme chasseur d’escorte. A cette occasion apparurent aussitôt des problèmes de turbulence de sillage derrière l’avion remorqueur, même au décollage en patrouille assez proche, ce qui conduisit à utiliser un Vickers Wellington équipé de moteurs Bristol Pegasus sensés apporter moins de turbulences... Admettons, mais ça devait quand même secouer, notamment au moment de passer du vol en patrouille au vol à l'arrière.
Le câble de remorquage consistait en une bride en forme de « Y », dont les extrémités étaient fixées à des attaches rapides sous les ailes du Spitfire à mi-envergure.
Pour le décollage, l'extrémité de la bride était fixée à un cliquet de déclanchement rapide sur le dessous du fuselage arrière du Spitfire pour empêcher la corde d'interférer avec le train d'atterrissage ou l'hélice lorsque le chasseur décollait par ses propres moyens en formation avec le remorqueur. Lorsque les deux avions étaient à l'altitude de croisière, le pilote du Spitfire libérait l'apex de la bride et le reste du câble de remorquage de 200m de long était déroulé depuis le remorqueur.
Le chasseur ralentissait ensuite progressivement jusqu'à ce que le câble de remorquage soit tendu, puis son moteur pouvait être arrêté pour redémarrer juste avant le largage. Les essais en vol révélèrent cependant des problèmes assez délicats :
Si le moteur du chasseur était arrêté pendant longtemps, le redémarrage n’était pas garanti, car il risquait d’être noyé et la mise en chauffe était de toute façon très longue.
Si le moteur restait en marche et que le régime restait un peu trop élevé, le chasseur commençait à rattraper le remorqueur ! Le Spitfire fut d‘ailleurs équipé d'une hélice pouvant passer en drapeau pour maintenir le moteur chaud sans poussée. Ce fut un cas unique où ce chasseur fut équipé de ce type d’hélice.
Quelques photos extraites de l’ouvrage THE SPITFIRE STORY par Alfred Price ou SPITFIRE EN ACTION également par Alfred Price chez EPA.
Le Spitfire avec la bride en place pour le remorquage :
Gros plan du point d'attache renforcé sur l'aile du Spitfire :
L'extrémité de la bride attachée sous le fuselage du Spitfire, pour le décollage :
BF 274, le Spitfire IX utilisé lors des essais de remorquage, vu avec la bride maintenue à l'écart, attachée à la trappe d'inspection à l'arrière du fuselage, avant les vols :
D’autres tests furent aussi effectués avec un Hawker Hurricane durant la même année.
Piloter ces chasseurs remorqués obligeait de toute façon à une concentration continue de la part du pilote, et le système nécessitait une dextérité au-dessus de la moyenne. Par exemple, il fallait, pour le chasseur en remorque éviter absolument de passer en position haute, ce qui risquait de faire partir l’attelage en piqué incontrôlable. C’est pourtant arrivé pendant les essais, entraînant le largage en secours.
La phase de mise en tension du câble en vol était aussi très délicate, ainsi que l’a constaté Jeffrey Quill, le célèbre pilote d’essai du Spitfire, cassant le câble en estimant mal les vitesses respectives des avions de l’attelage lors de cette manœuvre.
De plus, la visibilité était loin d’être excellente, aggravée quelquefois par des problèmes de givrage cellule.
Au final, ce type de vol fut considéré comme inadapté aux longs vols de convoyage, et en tout cas trop difficile à mettre en œuvre pour des pilotes de chasse standards, de toute façon habitués à la liberté apportée par le vol à bord d’un chasseur.
Un rapport du Captain Leslie Greensted, daté de février 1944 mit en évidence la complexité excessive, voire la dangerosité de ces manœuvres et en conséquence, le projet fut abandonné au printemps 1944
Voir aussi cet article paru dans Aeroplane Monthly d’avril 1988.
La première photo, certainement prise depuis le Wellington, semble montrer le moment où le Hurricane déploie son câble et va passer progressivement en position arrière.
(*) https://www.aeroflight.co.uk/tag/flight-refuelling-ltd
https://en.wikipedia.org/wiki/Cobham_(company)