J'ai trouvé ça dans les tréfonds du forum et j'ai pris la liberté de le faire remonter car la question m'interpelle. j'espère que ce n'est pas un truc qui ne se fait pas, et si c'est le cas, bon, qu'on enlève mon message...
Je voudrais revenir sur les interrogations quant à la sécurité et au nombre de victimes en cas d'accident.
Jusqu'à preuve du contraire, le mode de transport tuant le plus de personnes est le transport routier, dont le nombre de victimes se balade à plus d'un milion par an. Là-dedans, l'automobile "individuelle" et le deux-roues représentent naturellement la plus grande part, par rapport au transport collectif (l'autobus). Même à l'échelle du seul territoire français, où l'on dénombre en général quelques 5000 morts par an, les grands accidents d'avion sont comparativement peu mertriers. De même que les principaux accidents ferroviaires, comme le spectaculaire déraillement d'une rame ICE-1 en Allemagne en 1998 (101 morts).
Naturellement, et je n'ai pas de chiffres en tête, la route est censée être plus dangereuse non seulement en nombre total de victimes, mais aussi si l'on raisonne en nombre d'accident par voyageur et par kilomètre, de sorte que si l'on cessait mondialement d'utiliser la voiture et que l'on mettait tout le monde dans des avions et des trains, l'on obtiendrait pas un nombre comparable de morts - ceci devant montrer que dans l'état actuel des techniques, les transports collectifs sont encore intrinsèquement plus sûrs, avec des accidents spectaculaires, moins fréquents et au total moins meurtriers mais, en raison de leur caractère spectaculaire, plus traumatisants pour le public actuel.
Spectaculaire, là est bien le mot, parce que les accidents du transport collectif, aérien, ferroviaire, maritime, sont malheureusement des faits qui marquent les opinions et provoquent instinctivement des sentiments de rejet ou de méfiance et des interrogations sur la légitimité d'augmenter vitesse, capacité, fréquence des dessertes. Gageons que si l'accident de l'ICE avait eu lieu au moment des essais du TGV Duplex, il y aurait actuellement des interrogations sur la légitimité de faire rouler à 270 km/h des trains à deux niveaux.
Encore faut-il parler du ferroviaire, parce qu'il est, à l'échelle mondiale, réputé moins sûr que l'aérien, en raison de son moindre degré de contrôle par des institutions et des normes internationales. Les raisons de douter du transport aérien existent à chaque fois que quelqu'un perd la vie par sa faute; mais les raisons de douter des autres modes de transport n'en sont que plus importantes.
Encore faudrait-il présenter au grand public la mortalité sur les routes, notamment dans les médias, dans leur réalité arithmétique. Si l'on ne comptabilisait les accidents d'avions qu'à la fin de l'année et que l'on mettait en face le nombre de victimes des accidents de la route, il est fort probable, même l'année de l'accident du Concorde, et même à l'avenir l'année où aura lieu le premier accident d'un A-380, que la réaction du public serait prioritairement de vouer aux gémonies l'automobile en général, cause d'un million de morts dans l'année, et de relativiser en conséquence la portée des accidents d'avion, de train, de ferries, qui n'auraient fait "que" quelques centaines de morts dans le même temps.
Le mécanisme bien connu de l'emballement médiatique veut que l'on fait paniquer le public sur tout ce qui est un tant soi peu spectaculaire ou inhabituel (or un grave accident d'avion ou de train n'arrive pas tous les jours et il est très spectaculaire). Résultat, au fond, par médias interposés, on réussit à ce qu'une part importante de la population parvienne à se poser la question de la sécurité de son prochain ou de soi-même sur la grippe aviaire. On l'amène à prendre au sérieux la prudence face à la consommation de volaille, bien plus sûrement que l'on ne lui inculque l'idée que les radars sont là pour son bien et que la sanction d'un excès de vitesse est juste.
Hé bien, de la même façon, tout le monde se saisit très facilement de la question de la sécurité aérienne (ou ferroviaire), parce qu'un accident sera fortement médiatisé et, nécessairement, donnera lieu à des interrogations de la part des autorités scientifiques et politiques.
Oui, il est légitime de se dire qu'un seul accident avec l'A-380 fera des centaines de morts, beaucoup plus qu'un avion plus petit - et au vrai, on pourrait se poser la même question chaque année depuis que l'on est passé des quatre passagers que l'on mettait dans un Bréguet 14-T à des avions en emportant toujours plus. Mais si légitime que soit cette interrogation, elle devrait à mon sens toujours être mesurée et en juste proportion avec les interrogations, encore plus légitimes en raison du nombre abominable de victimes, que devrait susciter la "motorisation individuelle". Dans la mesure où l'on prend un risque potentiel dès que l'on monte dans un véhicule, l'absence de solutions parfaitement sûres devrait au minimum faire reconnaître au plus grand nombre que le transport collectif aérien ou terrestre (en plus de ses vertus environnementales, ce qui est une autre question) reste plus sûr.
S'il y a une part d'irresponsabilité dans l'idée de construire des avions géants, alors cette part me semble-t-elle minime par rapport à celle qui consiste à continuer de cautionner le transport routier comme mode de déplacement dominant...
Enfin tout ceci n'est que mon avis, naturellement...