Comme le souligne l'historien Lambert Grailet (*), la plupart des fusées V1 et V2 ne furent pas tirées vers l'Angleterre, mais bien vers la Belgique
"Pendant la période du 21 décembre 1944 au 20 janvier 1945, sur un total de 3 293 Fi 103 [dénomination du V1 chez Fieseler], 1 724 [c-à-d 52.4%] furent tirés sur Liège et 1 569 [c-à-d 47.6%] sur Anvers. (...) Au bilan final de cette tragédie, provoquée par les bombes volantes allemandes, on constatera que 10 492 d'entre elles avaient été lancées sur l'Angleterre et 11 892 dirigées sur des objectifs belges. Parmi ces dernières, 8 696 furent envoyées sur la région anversoise, 3 141 sur le pays de Liège et 55 sur Bruxelles"
"Cependant, le nombre de bombes V par kilomètre carré a atteint 5.7 (Liège ville = 7.9) pour l'agglomération liégeoise alors qu'à Londres il est de 1.5 et dans l'agglomération anversoise de 4.2 (Anvers-ville 5.3) (...) La grande métropole et son arrondissement d'Anvers sortiraient de la mésaventure en ayant supporté 52% du terrible fléau des V1 et V2. La Cité ardente et son arrondissement de Liège subissaient en même temps les coups fatidiques de la vengeance allemande, avec une part de 28%.
Après le désastre, l'agglomération liégeoise sortira très meurtrie d'une Libération qui lui laissera un goût de cendres... 2 809 de ses maisons étaient totalement détruites, 20 588 autres ne pourraient redevenir habitables qu'après de gros travaux, et 72 000 avaient été touchées d'une façon ou d'une autre par les retombées des "robots". De l'avis unanime de ceux qui depuis lors ont rapporté cette tragédie de 1944-45, Liège vient en tête des villes belges quant au plus grand nombre d'habitats sinistrés par les engins V"
Les Fuseés Idiotes:
"Pour acheminer à Londres un tonnage comme celui du raid qui avait provoqué la tempête de feu sur Hambourg, il aurait fallu trois mille fusées V2. Mais durant les sept mois de leur engagement, seules 1 359 d'entre elles furent tirées sur cette ville. Comparé à ce qui se produisait chaque jour en Allemagne, tout cela maintenait les dégâts dans une limite militairement insignifiante. Dès le départ, l'arme de représailles n'étais pas en mesure de venger l'Allemagne".
Mais si elles sont incapables de gagner la guerre, et n'infligent que des dégâts finalement insignifiants, les fusées V1 et V2 n'en tuent pas moins près de 9 000 personnes en Grande-Bretagne, y alimentant un énorme ressentiment.
"Churchill et de nombreux Britanniques, dont les pilotes de bombardiers, nourrissaient une rage particulière contre les fusées", poursuit Jorg Friedrich. "C'était une arme perfide et lâche parce que ce moyen de destruction agissait sans le moindre combat. Il n'y avait à bord aucun pilote pour risquer sa vie"
(...) [Churchill] était prêt, en réponse, à intimider l'ennemi au moyen d'attaques au gaz de grande envergure si une telle politique assurait la victoire. Des officiers supérieurs de l'armée de l'air, même Portal, préconisèrent la modération. "Ces satanées fusées idiotes", comme les nommait Harris, provoquaient moins de dégâts qu'une seule mission du Bomber Command contre n'importe quelle ville allemande. Churchill ne se laissa pas démonter, quelques escadres s'entraînaient déjà prudemment à opérer avec du gaz. Le maréchal de l'air Tedder, fit valoir ses objections (...) il ne voyait pas l'avantage qu'il y aurait à employer les gaz peu de temps avant l'entrée des armées alliées en territoire allemand" (*)
De surcroît, la majorité des fusées V2 n'étaient pas tirées sur Londres, mais bien... sur les villes belges d'Antwerpen et Liège, respectivement ville portuaire essentielle à l'effort de guerre allié, et important noeud de communications.
cité par Jorg Friedrich, "L'Incendie",
http://diberville.blogspot.com/2005_04_01_diberville_archive.html
si on ne peut empêcher l'ennemi de bombarder nos villes, il importe néanmoins d'en tirer vengeance, en bombardant ses villes à lui, ne serait-ce que pour calmer une population qui ne supporterait pas d'être la seule à souffrir de la guerre.
S'engage alors l'inévitable cycle des représailles aux bombardements, qui suscitent en retour d'autres bombardements conçus comme représailles.C'est un cercle vicieux, où seule compte la puissance industrielle des deux camps, c-à-d leur capacité respective à expédier de plus en plus de bombardiers au dessus des villes ennemies.
A ce petit jeu, les Anglais, auxquels ont fini par se joindre les Américains, sont vite devenus imbattables et capables de déverser sur les villes allemandes bien plus de bombes que les Allemands ne sont en mesure de lancer sur les villes anglaises.
L'apparition des premières fusées V1 et V2, à l'été 1944, vient pourtant bouleverser la donne. Pour la première fois, il est possible de s'en prendre aux villes ennemies sans subir de pertes dans ses propres rangs. C'est particulièrement vrai de la V2 qui, volant à plusieurs fois la vitesse du son, est tout simplement invulnérable.
"Le matin du 6 juillet [1944], Churchill indique à la Chambre des Communes que l'on déplore 2 752 morts. Un million de Londoniens, des femmes et des enfants pour la plupart, sont évacués (...) En septembre, 25 000 maisons sont détruites. Sur les 8 839 V1 mis à feu, 27% touchent des quartiers d'habitation et tuent 5 475 personnes".
Pour autant, faute d'un explosif réellement puissant - comme une charge atomique - les dommages causés par cette nouvelle arme restent bien en deçà des bombardements classique
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