Le Bar de l’Amicale
Rien que la porte d’entrée était une ode à l’aviation avec des autocollants en provenance de toutes la France de l’aviation collés sur les petits carreaux. Une fois rentré on se trouvait dans un monde à part. Entre la gargotte et le bar à vin entre le pub et la pension de famille, c’était un peu tout ça le bar de l’Amicale.
C’est évidemment le point de ralliement de toutes les équipes « à Jeannot » et c’est d’ailleurs dans ce Haut lieu que se tenait les assemblées générales. De chaque côté de la salle des petites tables pour 4 personnes réservées « à la clientèle » et au milieu trônait LA table de l’Amicale… Sur cette table, tout au bout près du bar deux places étaient réservées : A droite, Monsieur Roger ancien chaudronnier et ami personnel de Jean-Baptiste Salis, dont la maison se trouvait juste derrière le bar. Il était le seul habitant du terrain, son jardin s’arrêtait sur …la piste ! Il avait déjà plus de 80 ans passés, une gueule de mérou et une voix d’outre-tombe. Même ses dents avaient fui sans doute par peur…. Mais pas question de le faire répéter lorsqu’il demandait la corbeille de pain ! Le brave homme avait tous les droits puisqu’il était vieux (enfin, c’était le regard de mes douze ans !). Remarque tout le monde filait doux et quand on le voyait faucher la piste avec le vieux Massey-Harris on aurait pas traîné devant ses roues… J’ai vu de l’apprenti pilote en Piper J3 donner des grands coup de godasses d’un côté puis de l’autre de peur de croiser l’homme au tracteur…
En face, de lui Madame Jean-Baptiste Salis. Sa voie criarde me revient encore aux oreilles. Je la vois rire derrière ses lunettes d’hypermétrope… Elle se marrait de voir ce petit « Pinokio » au milieu de tous ces bons hommes. Il y avait un je-ne-sais-quoi de souverain dans sa position à cette table. J’adorais Mme Salis et je crois qu’elle me le rendait bien, je crois aussi qu’elle ne m’a jamais appelé autrement que Pinokio… Les plus anciens membres : René (celui qui m’a refilé ce surnom) et puis les fidèles de la génération de Mme Salis, étaient assis à leur côté et ensuite les mécanos de l’Amicale sans distinction de rang sauf qu’il fallait être au plus près de ceux qui racontent… Jean-Jacques, le chef mécano était l’un de ceux-là et tous les samedis je me régalais autant des œufs mayo maison, que des blagues de Jean-Jacques.
Au-dessus du bar : des maquettes d’avions, sur un vieux vaisselier des photos dédicacées de starlettes de l’époque qui avait sans doute siroté un chocolat à l’occasion d’un tournage ciné ou publicitaire… Dans ce bar, il y faisait bien frais en été et chaud en hiver… C’était un havre au combien apprécié lorsqu’on avait passé sa matinée, livré à tous les vents sous l’aile d’un Morane AI occupé à nettoyer la gomme visqueuse laissé par l’huile de ricin…
(à suivre : les grognards de Jeannot)
Je me rappelle de lui à l'époque où j'étais un ado timide et où il avait encore quelques "ratiches"...