l'idée était toute simple et avait de quoi ravir les comptables : prenez des ailes de Curtiss P40, un empennage de Douglas A24, un train d'atterrissage de "Corsair", ajoutez-y un moteur Allison à 24 cylindres, installez ce dernier derrière le pilote - à la manière du Bell P39 "Airacobra" - greffez-lui un doublet d'hélices contra-rotatives qui passaient là par hasard, terminez par le montage de dix (!) mitrailleuses de 12.7mm déjà fabriquées à des dizaines de milliers d'exemplaires, et vous obtiendrez le Fisher Body P75A "Eagle".
Étrange aigle en vérité que cet oiseau proposé et assemblé par une division sans la moindre expérience aéronautique du géant automobile General Motors. Un aigle que l'on voulut construire à moindre coût et donc à grand renfort de pièces déjà largement disponibles, puisque provenant de plusieurs chasseurs aussi différents qu'éprouvés.
Mais en aéronautique, le mieux devient vite l'ennemi du bien, et la volonté affichée d'économies la meilleure garantie d'une faillite pure et dure.
Commandé en 1942 comme intercepteur à haute altitude - ce qui, avec des ailes de P40, était absurde en soi - l'Eagle était déjà destiné à devenir simple chasseur à long rayon lors de son premier vol, en novembre 1943. Un chasseur que l'on fabriquerait à 2 500 exemplaires... si du moins les tests réalisés sur les six prototypes modifiés s'avéraient satisfaisants.
Hélas, et comme on aurait dû s'y attendre, la greffe d'éléments aussi disparates s'avéra d'autant moins concluante et si longue à mettre au point qu'à la reprise des essais, en septembre 1944, les P47 "Thunderbolt" et autres P51 "Mustang" remplissaient déjà, et à bien meilleur compte, les missions d'escorte dévolues au P75A.
La commande fut donc annulée, et l'Eagle retomba dans l'oubli, au grand désespoir des comptables qui, croyant réaliser des économies, avaient au contraire fait perdre des dizaines de millions de dollars à l'État pour obtenir... rien du tout.
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