Petit récit fort interressant :
"Après trois années passées comme pilote de reconnaissance, ayant effectué presque exclusivement des vols de nuit, j'ai reçu une affectation au Me 262 Operational Conversion Unit EJG 2 de Lagerlechfeld. L'entraînement devait débuter fin mars 1945 par quatre cours théoriques de jour, de 08:00 à 13:00 heures. Quelques jours plus tard, soit le 8 avril 1945, j'étais autorisé à effectuer mon premier vol dans un Me262 "Weiße 12" jusqu'à une altitude de 8.200 mètres. Cet essai a duré 50 minutes, de 12:35 à 13:25 hrs. Il faut préciser que ces lâchers s'effectuaient en solo, et non pas avec un instructeur comme la règle l'aurait voulu, car nous ne disposions plus de Me262 biplaces."
"Le lendemain 9 avril, j'ai décollé à bord du Me262 "Weiße 9" pour un second vol d'écolage, programmé entre 15:25 et 16:15 hrs, atteignant cette fois l'altitude de 12.000 m. Mais même à cette altitude l'avion grimpait encore et j'ai l'impression que j'aurais pu le mener jusqu'à 14.000 m. Les conditions de vol étaient excellentes, seuls quelques petits nuages épars garnissaient le ciel et la visibilité en altitude était supérieure à 100 km. Ma radio était réglée sur la fréquence des combats, à ce moment l'aviation alliée effectuait des patrouilles régulières sur le sud de l'Allemagne autour des bases de Je262."
"Notre instructeur principal, Oberstleutnant Bär, était aussi en vol et coordonnait la mission. Un autre élève pilote, le sous-officier Achammer, effectuait son premier vol d'entraînement sur un Me262. Soudain, l'instructeur l'a averti qu'un Mustang américain l'attaquait par derrière. Achammer aurait pu rompre le combat et rejoindre la base, mais excité, il a préféré faire front. Je me trouvais à ce moment à 12.000 mètres au-dessus de lui. J'ai immédiatement viré sur l'aile gauche en entamant un piqué à pleine puissance des moteurs à 40° pour arriver le plus rapidement possible à la hauteur de mon camarade."
"Après quelques secondes, l'avion a commencé à vibrer puis a subi des secousses de plus en plus violentes, la queue de l'appareil se mettant à osciller d'un côté à l'autre. L'indicateur de vitesse était à fond de butée (1100 km/h). L'avion était devenu totalement incontrôlable, et les secousses étaient tellement fortes que je ne pouvais même plus arriver à lire les instruments."
"Une seconde plus tard les vibrations se sont soudain interrompues, mais bien que l'indicateur de vitesse soit toujours bloqué sur 1100 km/h, je n'arrivais pas à redresser la trajectoire, en dépit de tous mes efforts, l'avion piquait de plus en plus. J'ai aussi essayé de faire des embardées à gauche et à droite en agissant sur le gouvernail, sans succès car les commandes semblaient être devenues inertes."
"Entre-temps j'avais coupé l'alimentation en carburant des deux moteurs afin de réduire la vitesse. Cela m'a permis de reprendre progressivement le contrôle de l'appareil et de relancer les réacteurs. Mais je m'aperçus directement que je ne contrôlais plus l'avion normalement, que celui-ci avait tendance à virer à droite en entamant une montée, alors que je ne touchais pas aux commandes. Je parvins à ramener la vitesse à 500 km/h, mais il était évident que l'atterrissage serait risqué. Alors que le Me262 était conçu pour atterrir à une vitesse standard de 250 km/h, c'est à 350 km/h que je touchais la piste, car l'appareil manquait totalement de stabilité, mais je réussis néanmoins à le poser."
"Après l'atterrissage, Oberstleutnant Bär examina l'appareil. Les ailes avaient été déformées et plusieurs rivets manquaient, et il me dit que j'avais dû dépasser la vitesse autorisée de 950 km/h. Je niais énergiquement, car endommager un avion rare et précieux comme le Me262 entraînait une punition sévère, et après avoir eu tant de chance en vol, je ne voulais pas finir mes jours en prison. J'ai donc affirmé que l'accident était probablement provoqué par un défaut de construction."
Quant au sous-officier Achammer, son appareil a été touché par l'Américain et son moteur a pris feu, mais il a pu s'éjecter à basse altitude et a été récupéré indemne. Il y avait eu auparavant plusieurs accidents inexpliqués de Me262. Mutke subodore qu'ils ont pu se produire parce que les pilotes ont passé le mur du son et l'ont payé de leur vie.
"J'ai toujours dit que le premier à avoir franchi le mur du son est le pilote inconnu", dit-il, en référence au soldat inconnu. Il affirme également que des documents découverts dans l'Ohio révèlent que des pilotes d'essai britanniques ont pu passer en mode supersonique avec des Me262 à l'automne 1945."
par Hans Guido Mutke
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